SAISON 2002-2003

25/09/2002 - Les enfants et la guerre Paroles et dessins d’enfants après le 11/09/2001 - Donatella Caprioglio
Quand arrive quelque chose de grave, qui nous trouble collectivement, on a tendance à chercher à se retrouver ensemble, pour rétablir dans le groupe l’unité personnelle qui a été attaquée. On se mets à parler pour récupérer le fil du discours, c’est-à-dire notre identité qui risque d’être brisée. Parler sert à élaborer une émotion, la parole étant un pont entre soi et le monde extérieur. Quand ce pont s’interrompt, le blocage se traduit en douleur physique ou psychique. Ceci est valable pour les adultes, comme pour les enfants. Après le 11 septembre, chacun de nous s’est senti personnellement attaqué et l’angoisse d’assister passivement à la mort en direct nous a poussé à parler avec les autres, à regarder de façon obsessionnelle la télévision, les journaux, pour essayer d’élaborer parole après parole, image après image, le choc subi.
Et les enfants ? Comment ont-ils vécu ces évènements et quelles peurs ont-ils suscité ? Comment ont-ils pu élaborer cette angoisse qu’ils ont vue, au-delà des images de télévision, dans les yeux de leurs parents ? Quelles sont leurs représentations et leurs propositions ? Quel espace d’écoute et de parole leur avons-nous donnée ?
Donatella Caprioglio qui est psychanalyste a demandé à des enfants de quatre et huit ans, français et italiens, de fixer les images qui les ont frappés à la télévision, dans un dessin, et dans un autre, d’élaborer une solution pour l’avenir. Ce, en transcrivant les propos des enfants. Sont apparues des similitudes et des différences culturelles entre les deux pays, mais surtout la capacité des enfants de comprendre ce que nous, adultes, ne savons plus voir.

23/10/2002 -
Prendre en charge l’enfant ou travailler avec ses parents - Pascale Martin
Educateurs ou thérapeutes, notre désir d’intervenir auprès d’enfants nous viens souvent du besoin de réparer notre propre enfance. C’est pourquoi, nous reconnaissant dans la souffrance des jeunes qui nous consultent, nous éprouvons parfois quelques difficultés à travailler avec leurs parents que nous avons tendance à confondre avec les nôtres. Savoir accueillir des parents me paraît pourtant de nos jours plus nécessaire que jamais. D’abord parce que c’est de cette façon qu’on parvient à percevoir quelle est exactement la demande d’une famille et notamment de qui elle émane. Ce qui permet de s’apercevoir qu’un grand nombre d’enfants « symptomatiques » semblent plus désireux, au moins dans un premier temps, de « confier » leurs parents à un thérapeute de métier (en profitant de la sorte de la meilleure santé psychique de ceux-ci) que de transférer eux-mêmes sur un substitut parental. Ensuite, parce que, pris dans une évolution des mœurs galopante, la plupart des parents se voient aujourd’hui confrontés à une double difficulté : identifiés inconsciemment aux structures parentales des leurs, ils doivent en même temps constamment innover pour faire face à des situations que leurs pères et mères ne pouvaient même pas imaginer.
Il semble donc urgent de mettre en place les conditions pratiques et théoriques susceptibles de permettre aux parents de mieux exercer un « métier » qui se transforme à toute vitesse, sans perdre pour autant ses caractéristiques fondamentales. Car, repenser et préserver les fonctions parentales dans la société actuelle me parait incontournable si l’on veut aider efficacement des enfants à se construire.

20/11/2002 -
La construction sensitive et fantasmatique de la sexualité - Didier Dumas
En ne prétendant expliquer ni le plaisir érotique ni l’orgasme, la psychanalyse a, en quelques sortes, créé la sexologie par défaut. La psychanalyse n’a, en effet, pas d’autre visée que de renvoyer les questions que soulève la sexualité au champ plus vaste des rapports de l'enfant à ceux qui l'ont accueilli. Elle a ainsi laissé dans l’ombre tout le registre de la communication érotique. La première raison à cela est que Freud n'a pris en compte que la dimension la plus tardive de la construction sexuelle. Il a considéré l’œdipe au cours duquel se construit le registre des sentiments et la capacité de tomber amoureux. Mais, ayant réduit la sexualité infantile aux stades oral et anal, il a négligé les périodes, antérieures à l’œdipe, au cours desquelles se construit la dimension sensitive et fantasmatique de la sexualité : le stade fœtal et le la « dyade mère-enfant ». Nous verrons donc comment le registre des sensations, des images et de la télépathie infantile, qui fait autant le charme de l’amour que sa difficulté, se construit au cours de ces deux périodes.

18/12/2002 -
L’haptonomie : une approche dynamique de l’affectivité - Catherine Dolto
L’haptonomie est née des expériences dramatiques vécues par son découvreur, Frans Veldman, lors de la deuxième guerre mondiale. Celui-ci la définit comme une science phénoménologique et empirique : la science de l’affectivité. La phénoménalité haptonomique de la rencontre révèle que l’affectif est le troisième terme, oublié, mais indispensable à la compréhension de l’être humain. Elle nous permet de sortir de la dichotomie corps-psyché dans un abord réellement global de la personne. Elle apporte un éclairage nouveau aux questions posées par ce qu’on appelle couramment la psychosomatique, ainsi qu’au soin, au sens le plus large du terme, et à l’éducation, de la conception à la mort.

15/01/2003 -
La clinique œdipienne de la mort et thérapie des « ancêtres mal morts » - Didier Dumas
Bien que la psychanalyse se soit moulée dans le sillon déjà amplement labouré de la spiritualité biblique, elle a tenu à s’en séparer. Elle a ainsi adopté le vernis scientifique du scepticisme matérialiste en faisant d’une certaine façon impasse sur la mort. Or ce qu’on appelle l’œdipe est non seulement la construction des représentations qui soutiennent la sexualité à l’âge adulte, mais aussi de celles qui, centrées sur l’interdit de l’inceste, en posent les limites : les représentations de la mort.
Après avoir situé la place qu’occupent les représentations de la mort dans la psychanalyse transgénérationnelle, je présenterai les recherches que j’ai mené, en ce domaine. C’est-à-dire comment, partant de la découverte du taoïsme et de l’apprentissage de l’acupuncture, celles-ci se sont poursuivies (avec Pierre Bacelon et Régis Dutheuil) dans l’étude des NDE (near death expériences) ou EMI (états de mort imminente), pour aboutir à la découverte du chamanisme et au travail dans lequel je me suis engagé avec Ivana Caprioli. Ce qui mettra en lumière que le fantôme (la transmission d’une pathologie inconsciente) n’est pas (comme cela s’entend souvent) un mort qui persécute ses descendants, mais une structure énergétique communautaire ou familiale (une « image transgénérationnelle du corps ») qui, en l’absence de représentations de l’Au-delà, interdit tout travail de deuil.

05/02/2003 -
L’humour et le rire - Tatiana Fonseca
Les limites entre l’humour, le rire, le comique, l’ironie, l’esprit et la malice, sont parfois incertaines. L’humour se distingue toutefois par un trait essentiel : il ne rit pas de… il rit avec… On peut même ajouter qu’on ne fait pas de l’humour avec n’importe qui, mais avec ceux qu’on aime. Étant avant tout « gaieté de fantaisie », l’humour nécessite une grande complicité, car il repose sur un jeu d’opposés entre respect et impertinence, gravité et légèreté, empathie et agressivité, narcissisme et détachement de soi-même.
Dans leur correspondance, Freud et Jung reconnaissent tous deux ses bienfaits. Néanmoins, ils ne l’abordent pas de la même manière. Freud y voit un dialogue entre le Moi et le Surmoi, soudainement devenu bienveillant, alors qu’il évoque à Jung une figure issue de l’ombre qui emprunte aussi bien les visages d’Hermès, de Mercure, du Fripon divin, que du corbeau ou du coyote des tribus indiennes.
Si, enfant, je n’avais pas très vite appris à me servir de l’humour et du rire, je n’aurais pas pu supporter l’ironie mon père et, par la suite, bénéficier d’une transmission paternelle. En tant que thérapeute, l’humour m’a grandement aidé avec certains patients, en particulier les enfants. Plus tard, j’en ai retrouvé la puissance dans la tradition chamanique, où on lui attribue un pouvoir de transformation, en y voyant, comme dans le rire, une nourriture spirituelle.

11/03/2003 -
Les Huit méridiens extraordinaires - Elisabeth Rochat de la Vallée
A côté du système régulier des 12 méridiens, il existe 8 méridiens appelés « extraordinaires » (Ce qui peut se comprendre comme : normes naturelles d’organisation de la vie). L’ensemble de ces huit méridiens a pour charge de régler le yin et le yang, le souffle et le sang, dans leur rapport au modèle originel propre à chaque individu. Ils soutiennent la vie lorsque le système des 12 méridiens réguliers défaille. Et ces 8 méridiens dits extraordinaires peuvent aussi être considérés comme la première organisation de la vie qui se développe à partir de l’embryon.
De même, à côté du système régulier des 5 Zang (les organes-trésors, appelés ainsi car ils thésaurisent la vie : le cœur, la rate, les poumons, les reins et le foie) et des 6 Fu (les entrailles-ateliers qui, associés aux organes-trésor, travaillent pour eux : l’intestin grêle, l’estomac, le gros intestin, la vessie, la vésicule biliaire, et le triple réchauffeur), il existe un ensemble de 6 entrailles appelées extraordinaires et constantes (le cerveau et les moelles, les os et les Mai, les circulation vitales, l’utérus et la vésicule biliaire). Extraordinaires, car elles thésaurisent les essences vitales comme le font les organes-trésors (les Zang), mais en ayant une contenance semblable à celle des entrailles-ateliers (les Fu). Constantes, car elles gèrent les essences (Jing), expression de l’origine qui fondent ma vie (Jing désigne aussi le sperme). Ou encore, parce que, sous la forme du sang de la femme et sperme de l’homme, elles la reproduisent.

02/04/2003 -
Gustav Fechner : le "grand-père oublié" de la psychanalyse - Claude Rabant
Physicien et mystique, Gustav Fechner (1801 1887) est le fondateur de la Psycho-physique (la science des relations de fonctions et de dépendance entre le corps et l'esprit).
Claude Rabant qui est psychanalyste nous présentera certains points remarquables de sa vie et de son œuvre, dans laquelle Freud puisa sa conception du rêve, ainsi que la notion de pulsion (Trieb) dont l’origine remonte à Fichte et à Schiller. Il montrera comment les conceptions de Fechner sur la notion de seuil et la délicate fonction du plaisir-déplaisir, ont influencé la théorie freudienne des pulsions, suggéré l’horizon du principe de plaisir et la conceptualisation, en1920, de la pulsion de mort, notamment à travers le principe de la tendance à la stabilité défini par Fechner en 1873. Deux points seront plus particulièrement cernés : la pulsion comme « concept-limite » ou démarcation du psychique et du corporel, et la pulsion comme « mesure de l’exigence de travail imposée à l’appareil psychique », autrement dit, la fonction quantitative de l’excitation due au plaisir et au déplaisir, et le rapport du sujet au réel.

14/05/2003 -
Les indiens Jivaros : société, cosmovision, chamanisme et santé - Jean-Patrick Costa
Pharmacien spécialiste des médecines traditionnelles et chef de mission humanitaire en Amazonie, Jean-Patrick Costa a réorganisé toute la pharmacopée traditionnelle des Indiens Jivaros. Il est l’auteur de Indiens Jivaros (Le Rocher 1997) et de L’Homme-Nature (Sang de la Terre, 2000).
Jean-Patrick Costa nous présentera la société Jivaro, la vision du monde et les mythes de ces Indiens anciennement réducteurs de têtes. Quelle est leur conception de la maladie et de la mort ? Quelles médecines utilisent-ils ? Comment devient-on chaman ? Comment soignent-ils ? Autant de questions qui nous plongerons au cœur de l’écologie et de la spiritualité des peuples autochtones pour nous faire rebondir sur la délicate question de l’action humanitaire en Amazonie, qui passe par la mise en place de systèmes de santé innovants, capables d’intégrer tradition et modernité, chamanisme et médicaments.

11/06/2003 -
La vieillesse : un temps pour quoi ? - Aude Zeller
Quand la vieillesse ne prend pas spontanément des allures de sagesse, mais se met à dévaster les capacités mentales, psychiques ou corporelles d’un individu, n’est-ce pas là l’ultime opportunité pour prendre soin de l’Etre ?
Celui qui se trouve « abîmé » par les vicissitudes de l’âge a plus que jamais besoin de l’aide d’un proche, qu’il soit familial, social ou médical, pour ne pas rester irrémédiablement enfermé dans la révolte ou la dépression, pour ne pas sombrer dans un néant de vie, pour donner sens à son épreuve.
Quel type d’accompagnement peut permettre à la personne âgée ou démunie d’accepter l’inacceptable, de franchir l’insurmontable et finalement peut-être de mourir conscient, malgré le terrible processus de dégénérescence ?